Les étudiants au centre de leurs apprentissages : ELIE et l’apprentissage collaboratif

A travers l’exemple de ELiE, nous vous proposons de découvrir la démarche pédagogique qu’est l’apprentissage collaboratif.

Samuel Nowakowski, Maître de conférences au département InfoCom de l’UFR Sciences Humaines et Sociales de l’Université de Lorraine, a développé pour la première fois en mars 2015, ELiE (Environnements collaboratifs en LIgnE), avec ses étudiants en troisième année de Licence Information-communication.

Dans le cadre de l’appel à témoignages lancé en pédagogie universitaire, le Service Universitaire d’Ingénierie et d’Innovation Pédagogique (SU2IP) est venu observer quelques séances d’ELiE où l’apprentissage collaboratif est la modalité pédagogique privilégiée.

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La ludification dans l’enseignement supérieur : l’exemple de la mise en place d’un Time’s up en audiologie

Ce vendredi 26 janvier 2018 est un jour quelque peu particulier à la Faculté de Médecine pour les étudiants en formation orthophonie et audioprothèse.

Effectivement, le Professeur Cécile Parietti-Winkler, responsable du Master d’Orthophonie et Directrice du Département Universitaire d’Orthophonie de l’Université de Lorraine, teste pour la première fois avec son collègue avec qui elle codirige le centre de formation en audioprothèse, le Professeur Joël Ducourneau, une innovation pédagogique ludique et active : un serious game inspiré d’un célèbre jeu de plateau, le « Time’s Up », détourné pour l’enseignement de la discipline audiologique !

Quatre-vingt-cinq étudiants, des deux formations, sont exceptionnellement réunis afin de tester leurs connaissances en audiologie, domaine qui leur est commun.

Pourquoi cette idée ? 

L’enseignante nous explique :
« Ce jeu a en fait deux objectifs. Le premier est de mettre en interface des étudiants qui ne se connaissent pas mais qui sont amenés à être des professionnels de santé de disciplines très connexes (bien que différentes) car intervenant tous dans le domaine de l’audition, promouvant ainsi l’échange, la communication et le développement d’un réseau de soin. Nous souhaitons que les étudiants se rencontrent dans un environnement assez ludique.
Le second objectif est de permettre aux étudiants de ces deux centres de formation de mobiliser et restituer des connaissances socles qui leur ont étés transmises lors des cours magistraux dans la discipline audiologique. Cela leur permet de s’autoévaluer en se repérant dans leurs apprentissages et de consolider leurs acquisitions à travers cette séance de révision ludique et grandeur nature
».

Par le fait, ce jeu est vraiment perçu comme une séance de révision en vue de se repérer dans ses acquis d’apprentissage.

Ainsi, par équipe, le but du jeu est de faire deviner un maximum de mots écrits sur des cartes.
Les mots ont été sélectionnés dans l’ensemble du programme d’audiologie des différents curriculi de formation concernés, et correspondent à des connaissances socles requises et communes.
Les joueurs d’une même équipe sont issus d’un mixte des différentes formations, (audioprothésiste 1ère année, audioprothésiste 3ème année, orthophoniste 2ème année).
La répartition des élèves doit être équitable pour l’ensemble des équipes. Étant donné le nombre conséquent d’étudiants, ceux-ci sont répartis dans deux salles.
C’est donc dans la joie et la bonne humeur que le jeu s’est ainsi déroulé.

Mais que pensent les étudiants de cette modalité pédagogique inhabituelle ?

 « C’était très enrichissant cela nous a permis de revoir des notions de nos cours, c’est une manière ludique de pouvoir voir tout ce que l’on a fait au cours de ces 3 années d’études.
D’autant qu’à la fin de notre 3ème année nous avons un oral sur ces trois années d’études, du coup cela nous permet de revoir des choses qu’on a un peu perdues ».

« Moi je pense que cela nous permet de nous situer sur ce que l’on a assimilé et ce que l’on ne connait pas, et donc, de nous aider dans nos révisions, c’est une révision globale de tout ce qu’on a vu ».

Il est primordial d’avoir à l’esprit que le jeu est utilisé comme un outil pédagogique et non comme une finalité. Faire réviser les étudiants sans qu’ils aient vraiment l’impression de travailler à la mobilisation de leurs connaissances, leur consolidation, ou bien l’intégration de nouvelles et susciter leur motivation, sont les finalités de ce jeu.

La chasse à l’ennui est de rigueur !

Il est à noter que l’erreur et l’échec sont non seulement permis mais également valorisés par les tuteurs accompagnant les étudiants durant le jeu : ce temps est l’occasion pour les étudiants de se tromper avant un examen final afin de pouvoir se repérer dans l’acquisition des connaissances requises.

Selon le Pr Parietti-Winkler, les plus-values pédagogiques de ce jeu sont principalement les suivantes : « La dynamique du jeu et l’envie de gagner incitent les étudiants à interagir entre eux même s’ils ne se connaissent pas. Ça resserre de plus les liens entre les étudiants et les enseignants et leur offre un espace de liberté, une proximité relationnelle avec l’enseignant au-delà de la relation traditionnelle formant/formés… Je me sens proche d’eux d’un point de vue relationnelle. De plus, cela mobilise des connaissances, il y a des petits rappels, ils sont obligés de restituer ce qui est quelque fois difficile pour eux. Je pense qu’il y a un potentiel énorme de ce genre de dispositif ».

Ainsi, le jeu stimule les interactions pédagogiques entre étudiants : afin de faire deviner des mots, ils doivent communiquer, collaborer, ils se félicitent lorsqu’ils réussissent et se soutiennent lorsqu’ils échouent.
Cet acte pédagogique favorise ainsi la zone proximale de développement (Vygostsky, 1985).
Il favorise également la relation enseignant/étudiant.

La posture de l’enseignant semble primordiale dans le jeu. Il ne suffit pas d’être un simple organisateur du jeu,son rôle va plus loin que ça.
En plus d’organiser le jeu, l’enseignant est réellement un tuteur qui fait des rétroactions sur les apprentissages des étudiants afin de réexpliquer les mots à deviner, n’en déplaise aux étudiants : « Ce que j’aime bien c’est que l’enseignante nous a fait un peu des rappels de cours. Moi, personnellement j’ai essayé de prendre quelques notes pour me remettre un peu dans le bain parce que pendant nos stages on n’a pas réellement le temps de revoir nos cours alors qu’on sait qu’à la fin de l’année les examens nous attendent sur ces notions-là ».
L’enseignante insiste : « Le rôle du tuteur est primordial et il est à bien réfléchir ; ce jeu est un prétexte pour faire une séance de révision, ce que le tuteur ne doit pas perdre de vue durant toute la partie ». La médiation de l’enseignant reste donc indispensable.

Toutefois, il est à noter que la construction de ce jeu a demandé un fort investissement de la part de l’enseignante : « L’investissement a été énorme car c’est quelque chose que je ne connaissais pas du tout il y a quelques mois… J’ai dû le transposer et l’adapter à mes enseignements, j’ai dû faire l’interface sur deux enseignements différents afin de trouver des points communs entre l’orthophonie et l’audioprothèse. Je souhaitais vraiment que cela mette en contact un très grand nombre d’étudiants, le « game design »  m’a donc demandé énormément de temps à réfléchir et concevoir ».

Ainsi, les avantages du jeu sérieux reposent sur la motivation des étudiants et le plaisir d’apprendre, l’apprentissage par essai-erreur et un niveau d’interaction élevé.

Les retours informels des étudiants sont très positifs. Toutefois, l’enseignante souhaite évaluer ce dispositif de manière institutionnelle auprès d’eux.
Cette modalité pédagogique peut être tout à fait adaptée à d’autres formations.
Affaire à suivre…

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L’apprentissage autodirigé : témoignages sur son application dans l’enseignement des langues

Afin de partager à la communauté universitaire la richesse et la diversité des pratiques pédagogiques à l’Université de Lorraine, la DACIP a lancé, en 2016, un appel à témoignages.
Des enseignants en langues et étudiants de l’ENSGSI et de l’ENSIC témoignent de leur expérience de l’apprentissage autodirigé.

L’apprentissage autodirigé permet à l’étudiant, individuellement ou collectivement, de devenir actif, de prendre ses propres décisions concernant son apprentissage. Ainsi, il définit lui-même ses objectifs d’apprentissage et prend activement en  charge  la gestion et l’évaluation de celui-ci. Apprendre ne correspond donc plus à l’accumulation de connaissances distribuées par un enseignant mais plutôt à la construction individuelle ou collective de savoirs.

Mike REES et Julie GALLAND de l’ENSGSI, et Jude BOWDEN, Michelle Adrian, Emmanuel KASMAREK et Stéphanie GALLAIRE de l’ENSIC viennent éclairer, par leurs pratiques et expériences, la mise en œuvre de l’apprentissage autodirigé.

Comprendre l’étudiant et sa temporalité pour améliorer la pédagogie à l’université : Rencontre avec Saeed PAIVANDI

Dans le cadre de la sortie de l’ouvrage  Apprendre à l’Université  (2015) qui se focalise sur la question  « Comment peut-on aider les étudiants à mieux apprendre à l’université ? », le SU2IP a rencontré Saeed PAIVANDI, directeur du LISEC-Lorraine (Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l’Éducation et de la Communication) et professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Lorraine depuis 2011.

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A consulter : interview-de-Saeed-Paivandi

 

La modularisation du Diplôme Universitaire Propriété Intellectuelle

Interview le 10/12/2015 à la Faculté de Droit de Nancy

Le DU Propriété Intellectuelle (PI) est un des rares diplômes modularisé à l’UL. Nous avons voulu en savoir plus sur les motivations des responsables pédagogiques à l’origine de ce projet, sur la méthode utilisée pour le conduire, sur les éventuelles difficultés rencontrées et l’accompagnement qui aurait pu être utile.
Monsieur JL Piotraut, co-responsable du DU avec M Tafforeau, a bien voulu répondre à nos questions.

Quelle était l’idée de départ pour initier la modularisation ?

Jusqu’ici, il n’existait pas de diplôme spécialisé dans cette branche du droit à l’Université de Lorraine même si quelques enseignements optionnels en la matière étaient proposés dans différents M1 et M2.

Dans le grand Est, seul le CEIPI de Strasbourg propose des Masters sur la propriété intellectuelle, et différents modules qualifiants sont animés par des organismes privés à Paris.

Suite aux réformes de 2007 et 2011 et à la réorganisation des tribunaux, le TGI et la Cour d’appel de Nancy sont devenus compétents pour les litiges de propriété intellectuelle (PI). Par conséquent, les juges et avocats ont besoin de se former sur la PI et la contrefaçon. Les avocats ont par ailleurs une obligation de formation continue de 20 heures par an minimum.

Aussi, c’est le Bâtonnier de Nancy qui, au nom du Conseil de l’Ordre des Avocats, a soumis à la faculté de Droit l’idée de création d’une formation en la matière.

Un DU en présentiel (1 jour par semaine sur l’année) a finalement été créé en 2014 mais il n’a pu ouvrir compte tenu d’un nombre trop faible d’inscriptions (notamment du côté des avocats pour lesquels il était difficile de se rendre disponible un jour entier par semaine).

C’est le Doyen Gartner qui a proposé de modulariser le diplôme et de tenir les séances en fin d’après-midi. La formation a ainsi pu démarrer en octobre 2015.

Comment avez-vous travaillé avec votre équipe pédagogique ?

Le travail de conception a été réalisé par les deux directeurs du diplôme.

L’équipe pédagogique sollicitée après la conception des modules est composée d’une vingtaine d’intervenants dont un certain nombre de praticiens spécialisés. L’expérience montre qu’il est important de favoriser la collaboration entre les différents enseignants pour s’assurer de la cohérence pédagogique des différents modules.

Quelle transformation pédagogique ce projet a-t-il nécessité ?

Le choix a été fait d’extraire 4 modules du diplôme existant : la transformation pédagogique, parcellaire, a porté sur la redéfinition des objectifs de ces modules, et si nécessaire, sur les contenus.

Modulariser à partir d’un DU existant n’était pas aisé : la structure par UE du diplôme ne correspondait pas forcément aux modules/blocs de compétences identifiés comme répondant aux besoins de la profession.

Les stagiaires ont en tout état de cause la possibilité de s’inscrire « à la carte » aux modules proposés, en fonction des compétences qu’ils souhaitent développer ou acquérir. Il est donc important de programmer les modules en respectant la progression pédagogique, et de s’assurer que les apprenants ont les pré-requis nécessaires pour les suivre.

Nous avons constaté que ce travail de modularisation a enrichi notre diplôme initial.

Quelles difficultés avez-vous rencontré?

La difficulté majeure portait sur la disponibilité des enseignants, universitaires ou extérieurs, compte tenu de l’importance de leur charge de travail : libérer 3 heures consécutives dans leur emploi du temps est particulièrement compliqué, d’autant plus qu’il faut conserver la progression pédagogique des enseignements dans le temps.

Avez-vous bénéficié d’un accompagnement pour mener à bien ce projet ?

Dans notre composante, nous avons été accompagnés par la responsable de la formation continue, Mme Régine Tijou, qui a mobilisé le service développement-communication de la DFOIP pour élaborer une brochure et mener une campagne de communication auprès des publics cibles.

De quel appui supplémentaire auriez-vous souhaité bénéficier de la part des services centraux de l’université ?

Davantage d’aide pour la réalisation de l’annexe financière et la détermination du tarif aurait été bienvenu.

5 questions à Jacques Tardif sur l’approche par compétences

Dans le cadre de la Conférence « Les compétences, un moyen de repenser les apprentissages ? », Jacques TARDIF s’est prêté au jeu de l’interview.

Les 5 questions posées :

  • En quoi consiste l’approche par compétences, et qu’est-ce qui la différencie des méthodes habituelles d’élaboration de programmes ?
  • Quelles seraient les 3 ou 4 raisons majeures pour lesquelles s’engager dans la conception de programmes axés sur le développement des compétences ?
  • Comment s’organise dans le temps la conception ou la révision d’un programme selon une approche par compétences ? Quelles sont les étapes de la démarche ?
  • Faut-il associer les entreprises au processus ? Quand et comment le faire ?
  • Comment adapter cette démarche pour des formations déjà en place ?

Jacques Tardif, psychologue de l’éducation, est professeur émérite de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada), Faculté d’éducation. Il a accompagné de nombreuses universités, à l’international et en France, dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de programmes axés sur le développement de compétences.

Il a été sollicité par l’université de Lorraine pour apporter son expertise dans le cadre des travaux engagés par l’UL sur l’approche par compétences. Il est ainsi intervenu le 17-11 auprès de quatre équipes pédagogiques de licence qui travaillent à la redéfinition de leur programme selon l’APC ; il a rencontré le 18-11 le groupe de travail APC de l’UL, et a donné le 19-11 une conférence « Les compétences, un moyen de repenser les apprentissages ? ».

 

Les étudiants d’aujourd’hui : quels changements dans l’enseignement ?

Se questionner sur l’apprentissage des étudiants, les freins à la réussite et les facteurs d’intégration à l’Université de Lorraine.

Cédric SANLIS, chargé d’études Qualité- formation à la DAPEC (Délégation d’Aide au Pilotage et à la Qualité) de l’Université de Lorraine, brosse le portrait des étudiants de l’UL : 53000 étudiants (deuxième université de France en terme d’effectifs), 72% des étudiants de l’académie y sont accueilli, le recrutement est majoritairement régional en licence et en DUT à la différence des écoles d’ingénieurs…
Il a souligné en particulier les indicateurs qui ont un impact sur la réussite étudiante : l’héritage scolaire (âge d’obtention du bac et type de bac), l’héritage social (CSP des parents), autres indicateurs (fréquentation des BU, tenue d’un agenda, …)

Laurent ARER, inspecteur pédagogique régional en sciences physiques, insiste sur les compétences développées dans le secondaire : en particulier la démarche expérimentale et la démarche de projets. Moins de temps est consacré à l’acquisition de connaissances, les élèves travaillent plutôt à la résolution de problèmes.

Eliane PEDON, inspecteur pédagogique régional en lettres, souligne que les étudiants arrivent à l’université en ayant au moins étudié 56 œuvres littéraires au cours de leurs cursus scolaires.
Elle relève le changement de posture nécessaire pour les enseignants qui passent de la transmission de connaissances à la construction des savoirs, ce qui demande une maitrise de la discipline et une certaine maturité. Elle souligne également que dans le domaine de l’écriture, l’excès de consignes limite l’expression personnelle, ce qui l’amène à noter que l’enseignement ne laisse pas suffisamment de place au plaisir. Le travail reste très solitaire, le travail collaboratif n’est pas encore très développé.

Pascale STERDYNIAK, psychologue clinicienne au Centre Universitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé a surtout souligné l’entrée à l’université comme un moment de passage. L’histoire de vie, les liens familiaux, les projections parentales influencent la manière dont les jeunes vivent ce passage. Ce moment particulier de vie peut être générateur d’un mal-être  et réveiller un sentiment d’insécurité. Elle balaye les différentes problématiques évoquées par les étudiants lors de ses consultations :

  • l’éloignement géographique qui peut entraîner une perte de repères,
  • les nouvelles expériences de socialisation,
  • la rencontre avec les produits psychotropes,
  • le début de l’indépendance mais la dépendance financière avec les parents,
  • les remaniements affectifs, le début de la vie amoureuse et sexuelle,
  • le manque de confiance en soi et d’estime de soi qui peut être un facteur d’échec aux examens.

Christine DERONNE, directrice du pôle Pratiques et ingénierie de la Formation à l’ESPÉ de Lorraine, évoque les facteurs influençant la façon d’apprendre des étudiants d’aujourd’hui :

  • les évolutions sociétales qui parcourent le champ du travail et modifient la notion de métier donnant moins de visibilité aux étudiants sur leur avenir professionnel,
  • les évolutions technologiques qui donnent un accès rapide et facile à l’information, mais ne favorisent pas l’appropriation des connaissances, la capacité à transférer et à reformuler dans d’autres contextes,
  • l’absence de sens donné aux apprentissages, qui ne permet pas toujours aux étudiants d’avoir une vision complète de l’offre de formation et qui ne leur permet pas toujours de comprendre l’intérêt des UE.

Enfin, elle souligne que les étudiants qui réussissent le mieux sont ceux qui sont capables de réfléchir à leurs stratégies d’apprentissage (planification, maîtrise de la temporalité)

Les participants ont ensuite pu s’exprimer sur ces différents points.

La classe inversée, une pratique en développement à l’Université de Lorraine

L’université de Lorraine n’est pas en reste sur cette pratique. En effet, de nombreux enseignants de différentes disciplines l’expérimentent et quelques-uns ont accepté de nous livrer leurs témoignages à travers des interviews-vidéos.
Ils sont issus de différents domaines : langue, biologie, mécanique, mathématiques, et enseignent dans différentes composantes.

Nous les avons interrogés sur ce qui les a conduits à introduire cette pratique dans leurs enseignements ; Comment la mettent-ils en œuvre concrètement ? Quels sont les changements produits pour l’enseignant, pour l’étudiant et dans la relation pédagogique ? Quelles sont les difficultés rencontrées ?

Les enseignants interviewés sont dans un questionnement réflexif. Ils s’interrogent sur leurs pratiques pédagogiques dites « transmissives » et constatent une certaine passivité chez les étudiants dans les cours en amphithéâtre comme en témoigne Thierry Nowak, enseignant à l’ENIM,  « le temps ils sont là [en présence], ils ne sont pas vraiment là, avec l’enseignant qui s’est déplacé lui aussi ». Ce constat est un facteur motivationnel pour expérimenter d’autres pratiques pédagogiques mais pas le seul. La classe inversée permet également, pour certains, de s’adapter à l’hétérogénéité du niveau des étudiants et pour d’autres, de faire face à la réduction du nombre d’heures en présentiel.

Dans tous les cas, ils sont unanimes sur leur souhait de faire du temps présentiel un moment de rencontre plus intense favorisant les échanges et permettant aux étudiants de bénéficier d’un soutien plus individualisé.

Pour Sébastien Allain, par exemple, enseignant à l’École des Mines de Nancy, cette pratique lui offre la possibilité de « mieux repérer les lacunes en temps réel ».

Marie Christine Trouy, enseignante à l’ENSTIB à Epinal, souligne que la classe inversée est une occasion donnée aux étudiants de mémoriser à leur propre rythme. Cette idée est reprise par Achille Authier, étudiant, qui confirme que l’accès aux ressources en amont permet à chaque élève de passer plus ou moins de temps sur les concepts présentés en fonction de son niveau de compréhension.

Sébastien Allain, quant à lui, met l’accent sur le fait que la classe inversée facilite un apprentissage « en profondeur et qui reste gravé ». Ce point est également évoqué par Achille Authier, étudiant, qui l’exprime en ces termes « les connaissances sont ancrées plus profondément, l’apprentissage n’est plus seulement centré sur la préparation de l’examen ». Alexi Perrino, son collègue, nous parle également de « la régularité dans le travail avec une planification précise des activités ».

Un des bénéfices mis au profit de la classe inversée, souligné par Aurélie Pirat, enseignante d’Espagnol à l’IUT de Metz, est celui de l’implication plus grande des étudiants dans l’apprentissage. Marc Deneire et Corinne Landure, tous deux enseignants en Anglais, évoquent la dimension socioconstructiviste [1] vers laquelle tend la classe inversée. Elle est illustrée par Alexi Perrino qui présente la stratégie développée par les étudiants pour regarder et discuter ensemble des vidéos mises en ligne par l’enseignant. Tous s’accordent sur la plus grande interactivité permise par la mise en place de la classe inversée et la relation enseignant/étudiant plus proche. Plus accessible, l’enseignant incite les étudiants à participer activement et à poser des questions. (Aurelie Pirat et Alexis Perrino).

Comme vous l’aurez compris, la classe inversée induit pour l’enseignant, un changement de posture. L’enseignant devient « un guide, un accompagnateur » (Corine Landure). Ne pouvant pas anticiper les questions et réactions des étudiants, il prend plus de risques, il est plus dans l’improvisation, mais en contrepartie lenseignement est plus « vivant » (Corinne Landure, Marie-Christine Trouy). Cette pratique replace la relation humaine au cœur du métier et le plaisir d’enseigner est renforcé (Marie-Christine Trouy, Thierry Nowak)

Lors de ces interviews, les enseignants nous ont également fait part de leurs questionnements (comment inciter les étudiants à réaliser davantage les activités proposées en amont), de leur investissement (l’aspect chronophage, en particulier, le temps important nécessaire à l’élaboration pédagogique en amont), de leur volonté (par cette pratique, « d’encourager et de contraindre à travailler » -Thierry Nowak) et de leur constat (d’un changement culturel nécessaire pour rendre les étudiants plus actifs – Marc Deneire).

[1] en référence aux travaux de Lev Vigotsky

Sébastien Allain – Professeur à l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Nancy

Thierry Verdel – Professeur à l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Nancy

Alexi Perrino – Etudiant à l’ENIM (Ecole Nationale d’Ingénieurs de Metz)

Achille Authier – Etudiant à l’ENIM (Ecole Nationale d’Ingénieurs de Metz)

Thierry Nowak – Enseignant à l’ENIM (Ecole Nationale d’Ingénieurs de Metz)

Corinne Landure – Enseignante à l’IUT Epinal – Hubert Curien

Marie-Christine Trouy – Maître de Conférences à l’ENSTIB (Ecole Nationale Supérieure des Technologies et Industries du Bois)

Marc Deneire – Maître de Conférences à ERUDI (Etudes et Ressources Universitaires à Distance)

Le plateau, un lieu pour réinventer les pratiques pédagogiques

Samuel Nowakowski, maître de conférences au Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications, nous accueille dans la salle J009 qui vient d’être équipée pour favoriser l’émergence de nouvelles pratiques pédagogiques et de travail : « cette salle est l’aboutissement du projet  Plateau, en référence aux plateaux de Gilles Deleuze : ces espaces rhizomatiques qui laissent émerger toute configuration ».

Sur le Plateau, à proximité d’un tableau blanc interactif, on retrouve les  mêmes « node » mobiles que ceux de la salle A123 qui accueillera un atelier sur la mutation des espaces pédagogiques le 10 juin prochain. Un peu plus loin, plusieurs sièges sont disposés autour d’un comptoir au bout duquel deux grands écrans permettront de tenir des réunions en visioconférence, c’est le « mediascape ». Tout autour, les murs sont recouverts d’une peinture sur laquelle on peut écrire avec des marqueurs pour tableaux. Pour Samuel Nowakowski, « cette salle est un outil », charge à chacun de se l’approprier et d’en imaginer les usages.

Imaginer le campus du futur

Ces aménagements sont un pas de plus dans le projet du collégium lettres et sciences humaines : repenser les pratiques pédagogiques et imaginer le campus du futur. « Il ne s’agit pas d’équiper chaque salle de cette manière, mais d’offrir un lieu qui invite à collaborer autrement » explique Samuel Nowakowski, « ici, les usages peuvent s’articuler autour de l’outil et inspirer de nouvelles pratiques pédagogiques que l’on pourra mobiliser ailleurs ».

Au travers de ces aménagements expérimentaux (soutenus par l’université et la Région Lorraine), il s’agit aussi de démontrer les bienfaits d’une salle de classe que l’on peut s’approprier. Avec le cours expérimental ELIE, les étudiants ont pris conscience du bien-être auquel contribue un tel lieu : « certains m’ont écrit spontanément pour me remercier et me dire que ce cours leur avait fait redécouvrir l’université sous un jour plus positif » témoigne Samuel Nowakowski.

« En instaurant une salle qui ne soit plus étanche, on s’en libère et on favorise l’extension du cours autour d’elle dans le temps et dans l’espace. La salle devient un lieu de ralliement, dans lequel l’étudiant se sent à la fois plus libre et plus responsable ».

Convaincu de l’intérêt à multiplier les expériences et à les partager, Samuel Nowakowski expose ses observations et ses conclusions sur son carnet de recherches.